La certification tout au long de la vie professionnelle ?

8  ans après la loi sur la VAE dont l’objectif est l’accès à une certification, les certificateurs doivent être en mesure  d’établir des passerelles entre leurs certifications professionnelles[1] pour participer à la sécurisation des parcours professionnels et permettre cet accès au plus grand nombre.

Saïma  Kadri, directrice associée d’EssKa Consultants

Le champ des certifications est relativement large aujourd’hui en France. Près de 6000 diplômes, titres ou certificats sont déjà identifiés dans le Répertoire Nationale des Certifications Professionnelles, toutes potentiellement accessibles par VAE. Si le principe d’une reconnaissance des acquis d’expérience est socialement et institutionnellement désormais admis, un pas supplémentaire doit être franchi pour développer de vraies passerelles, claires et effectives, entre les CQP (certificats de qualification professionnelle) délivrés par les branches professionnelles et les titres et diplômes délivrés par les certificateurs publics – ministères en charge  de l’Education, de l’Emploi, ou encore de Jeunesse et Sports, etc. – et privés. S’engager résolument dans cette démarche permettra de renforcer la cohérence et la clarification du système de certification professionnelle et de faciliter ainsi la sécurisation des parcours professionnels des individus.

Le sujet est complexe et aucune définition commune n’existe d’ailleurs entre les certificateurs quand à la conception et la construction de leurs certifications. Si quelques experts[2] soulignent depuis longtemps l’intérêt de cette démarche notamment pour faciliter leur lisibilité pour le marché du travail et l’élaboration de parcours individualisés, les ministères certificateurs et les branches professionnelles n’avaient pas fait une priorité du sujet.

Aujourd’hui, ces acteurs commencent à se poser concrètement la question, tant en termes d’opportunité qu’en termes de faisabilité. Cependant, malgré les espaces de concertation que sont les CPC (Commission professionnelle consultative), le cloisonnement de la certification perdure, renforcé par la complexité d’un système toujours foisonnant. Chacun des systèmes de certification est en effet construit en fonction de missions prioritaires différentes qui en structurent la logique et l’ingénierie: acquisition de savoirs généraux et technologiques transversaux à plusieurs secteurs pour l’Education nationale, construction de parcours d’accès à la qualification, voire à l’insertion professionnelle pour le ministère de l’Emploi et les branches professionnelles.

Certaines démarches de passerelles en sont à des balbutiements. Et l’une des hypothèses que l’on peut émettre est que faute d’un soutien approprié, nombreux sont les certificateurs, qui ne s’y mettront pas immédiatement, non pas faute de bonne volonté mais par manque de savoir-faire ou de temps pour s’y consacrer. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de convaincre ces acteurs qui sont conscients des enjeux de la problématique, mais de leur montrer que des solutions existent. A l’instar, de la branche professionnelle de la Propreté qui avec le ministère en charge de l’Emploi sont les premiers à avoir franchi le pas en établissant à compter du 1er janvier 2010 des passerelles entre leur certification de façon symétrique et sans réserve. Ainsi, le salarié détenteur des deux CQP « d’agent machiniste classique » et « d’agent en entretien et en rénovation », délivrés par la branche professionnelle, se verra attribuer d’office, sans nouvelle évaluation, le titre professionnel « d’agent de propreté et d’hygiène » délivré par le ministère de l’Emploi et inversement. Ces passerelles, qui fonctionnent donc dans les deux sens, concernent potentiellement plus de 2 600 salariés du secteur.

La validation des acquis de l’expérience, inscrite dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, avait également pour but d’améliorer la lisibilité du système de certification professionnelle. Cette amélioration s’inscrivait dans un processus plus global de refonte de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. En fait, cette loi a innové en réformant les modalités de régulation du système de certification professionnelle. En effet, la procédure dite « d’homologation » de 1971, qui avait permis de donner une reconnaissance publique aux certifications professionnelles autres que les diplômes délivrés par l’Education nationale, a été remplacée par l’enregistrement des diplômes, titres à finalité professionnelle et CQP dans un Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

C’est la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) qui a en charge la gestion de ce répertoire. Les représentants des ministères certificateurs et les partenaires sociaux qui la composent, ont également pour mission d’améliorer la cohérence du système tout en veillant au maintien des garanties qui doivent entourer la certification.

Ce RNCP permet notamment aux employeurs de situer la pertinence d’un diplôme par rapport à sa problématique d’emploi car chaque certification y est décrite en termes d’activités visées et compétences ou capacités évaluées. En effet, la loi de 2002 vient rappeler qu’une certification professionnelle est d’abord un gage d’aptitudes et de compétences, en rapport avec un champ d’activité professionnelle, quels que soient les moyens par lesquels elles ont été acquises. Autrement dit, le législateur avait, non seulement, la volonté d’établir une plus grande équité entre les modes d’acquisition des compétences, des aptitudes et  des connaissances, mais également d’obtenir une description de la certification professionnelle au regard des activités du métier visée par celle-ci. Concrètement, l’inscription au RNCP des diplômes, titres et CQP nécessite une description des activités et de l’emploi identifiés dans un référentiel réalisé avec la participation des professionnels, ainsi qu’une description des compétences, aptitudes et connaissances nécessaires à l’exercice de ce métier. Autrement dit, la certification ne se mesure pas à  l’aune de durée de formation ou de contenu de programme de formation – trop abstrait ou peu pertinent lorsqu’il est question de formation continue en particulier -, mais bien à son usage.

Dans ce contexte, si la formation reste un enjeu de taille, l’objectif décisif est de permettre aux individus eux-mêmes et à leurs employeurs de mesurer l’acquisition d’une qualification, et que celle-ci  soit attestée dans un cadre d’une reconnaissance publique et collective.  En ce sens, cette réforme portait déjà en germe le sujet de la sécurisation des parcours professionnels. Car la certification permet de doter l’individu, de manière durable et concrète, d’une « référence » de ce qu’il sait faire, facilitant par la même, son évolution sur le marché du travail.

Or, l’obtention d’une certification professionnelle, si elle apparaît comme un gage sécurisant pour celui ou celle qui la détient dans un environnement ou secteur professionnel, n’ira pas forcément de soi dans d’autres secteurs d’activités. En effet, une mobilité professionnelle subie ou volontaire peut conduire, à un changement de poste, à travers d’autres possibilités telles que le changement d’activité au sein de la même entreprise, ou encore dans une autre branche professionnelle. Face à cette éventualité, les passerelles trouvent toute leur pertinence afin d’identifier et de reconnaitre les compétences transférables, mobilisables dans une autre activité.

Et si les CQP, les titres et diplômes n’ont pas toujours les mêmes finalités, ils n’en sont pas pour autant des modes de certification totalement différents. Ils peuvent comporter bien des  similitudes, dans le champ d’activités et de qualifications visées. Et ces similitudes devront être mises en lumière afin que chaque personne puisse faire valoir dans un autre secteur que son secteur professionnel d’origine, non seulement les acquis de son expérience mais également le « parchemin » (CQP, titres ou diplômes) qu’elle détient.

Les partenaires sociaux ont d’ailleurs négocié et conclu sur le sujet, dans l’ANI du 5 octobre 2009 sur le développement de la  formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et  la sécurisation des parcours professionnels. Ils prévoient à l’article 4.2. « Les certifications professionnelles » de cet accord que : « Les personnes et les entreprises ont besoin de repères simples, élaborés collectivement, attestant des connaissances et savoir-faire acquis par chacun. Les certifications professionnelles ont pour objectif de valider une maîtrise professionnelle à la suite d’un processus de vérification de cette maîtrise. Elles constituent des indicateurs de qualification et participent de ce point de vue à la sécurisation des parcours professionnels. Les certifications professionnelles revêtent une grande variété de modalités d’élaboration, de modes d’acquisition et d’évaluation auxquels il convient de donner une plus grande cohérence, eu égard à leurs finalités professionnelles. Il s’agit ainsi de favoriser la complémentarité entre elles, en tenant compte de la diversité des objectifs poursuivis afin de faciliter leur obtention et leur reconnaissance. Il s’agit aussi de permettre la reconnaissance d’acquis dans différents systèmes par l’adoption de principes communs de découpage en unités ».

La loi du 24 novembre de 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a également traité de la certification professionnelle. Chaque certification professionnelle, y compris celles de l’Enseignement supérieur, doit, dorénavant, faire l’objet d’une étude  d’opportunité, d’élaboration de référentiels d’activités, de compétences,  ainsi que de certification. L’ingénierie de la certification (y compris celle des passerelles) peut faire l’objet d’un financement par les  OPCA[3].

Les passerelles constituent bien une démarche prometteuse. Et les éléments sont réunis aujourd’hui, pour qu’elles participent à la concrétisation de la sécurisation des parcours des individus et à une fluidité du marché du travail dans des conditions satisfaisantes.

Saima Kadri
Saïma Kadri
Directrice Associée d’EssKa Consultants
[1] Diplômes, titres et certificats de qualification professionnelle (CQP)

[2] Comme Madame Anne-Marie Charraud

[3] Art.127. Dans le cadre de leurs missions, les OPCA peuvent contribuer au financement de l’ingénierie de certification. Une évolution de leurs missions devra favoriser la capitalisation des méthodes, des outils et, s’agissant en particulier des certificats de qualification professionnelle, la reconnaissance commune ou mutuelle, par plusieurs branches professionnelles, des certifications obtenues. ANI du 5 oct. 2009