LA VAE, un outil pour les branches professionnelles et les entreprises

Si la VAE, en tant que droit individuel, ouvre des perspectives nouvelles aux individus en leur permettant de s’inscrire dans un parcours de progression, elle devient aussi un atout pour les branches professionnelles et les entreprises, atout ancré à la fois sur des enjeux économiques et sur des enjeux sociaux.

En effet, un investissement dans une démarche collective de VAE constitue pour l’entreprise un outil pour le développement de sa performance. Et dans un contexte d’évolution des technologies, de concurrence exacerbée, de transformations des métiers et de vieillissement des populations en poste, le recours à la VAE, en tant que démarche collective, devient, sans être une réponse universelle un atout pertinent.

La VAE

Un levier réel dans la politique de GRH

Avant de s’investir dans un projet VAE, il convient de s’interroger sur la place de ce dispositif. Les premiers questionnements sont les suivants : en quoi la VAE peut-être un levier dans la politique de gestion des ressources humaines ? est-elle une réponse aux préoccupations des entreprises et des branches professionnelles ?

Aujourd’hui, les branches professionnelles, les entreprises qu’elles soient publiques ou privées, les associations et autres organisations rencontrent des problèmes spécifiques liés principalement à leur secteur d’activité. Les besoins du secteur de l’assurance sont sans doute très éloignés de ceux du secteur de l’aide à domicile. Bien sûr la VAE trouve une pertinence dans le champ du collectif, afin de répondre à des problématiques de qualification. Mais à y regarder de plus près, le travail le moins qualifié n’est pas uniquement visé par le levier de la VAE. Dans certaines entreprises – particulièrement celles relevant des services où les personnels dont l’ancienneté élevée a permis une progression de carrière – la stabilité des personnels qualifiés rend difficile les changements qu’impliquent les mutations économiques. L’enjeu de la VAE dans ce cas, favorise une mise en mouvement et une motivation des individus propices à leur propre évolution professionnelle ainsi qu’aux évolutions des métiers.

La VAE peut donc tenir un rôle pertinent dans chacun de ces cas pour répondre à leurs problématiques propres. En effet, l’implication dans une démarche de VAE dépendra étroitement des préoccupations de la branche professionnelle ou de l’entreprise.

La plupart des expériences menées dans ce domaine montrent que ces préoccupations relèvent essentiellement de la détermination des dirigeants de l’entreprise ou des partenaires sociaux de la branche de :

  • Professionnaliser les personnels ;
  • Enclencher un processus de reconnaissance des salariés ;
  • Valoriser le métier et créer un identité professionnelle ;
  • Fidéliser les personnels ;
  • Faciliter les recrutements et rendre attractif un secteur d’activité ;
  • Accompagner des mobilités ou des transitions professionnelles ;
  • Rationaliser les coûts de formation en réduisant le coût du volet qualifiant du plan de formation ;

Dans bien des démarches, plusieurs objectifs sont visés de façon cumulative. En ce sens, la démarche de VAE d’une entreprise ne peut être transférable en tant que telle à une autre, a fortiori parce que des éléments contextuels tels que la culture d’entreprise ou le bassin d’emploi jouent un rôle non-négligeable dans le processus. Cependant, les démarches collectives initiées dans les organisations du travail témoignent de la façon dont la VAE a pu servir de levier dans le développement d’une politique de gestion des ressources humaines.

« Le cas de la branche de l’aide à domicile, dès 2002 »

Au moment même où le secteur de l’aide à domicile connaît une demande en forte croissance (création de l’APA[1]), les partenaires sociaux de la branche se sont saisis de la VAE comme d’un levier pour professionnaliser leurs effectifs les moins qualifiés, dépourvus à 80 % de tout diplôme[2]. Il s’est agi aussi de rompre avec une représentation de la profession ternie par une image de « domesticité » et de « travail au noir ». Au regard des besoins prévisionnels en main d’œuvre qualifiée, la formation n’aurait pas permis à elle seule de solutionner cette problématique, tant pour des raisons de coût que pour re-motiver des personnels ayant bien souvent connu un échec scolaire. Un diplôme[3] accessible par la voie de la VAE pour les aides à domicile a été créé. Cette démarche a nécessité une mise à plat tant du travail réellement exercé par les aides à domicile que de cerner les aptitudes, connaissances et compétences pour obtenir ce diplôme (formalisées dans le cadre de référentiels). Ainsi, les contours d’un métier qui hier encore était déconsidéré, ont été dessinés et les salariés de la branche ont pu trouver là une qualification. La VAE a permis de restaurer l’estime de soi pour la plus part des salariées, qui parce qu’elles avaient conscience qu’elles avaient acquis des savoir-faire, ont pu dans un second temps s’engager dans une formation complémentaire. Environ 9000 personnes ne sont lancées dans la démarche en 2004 et l’engouement s’est poursuivi. Cependant, un tel élan a pu s’affermir dans le temps parce que les partenaires sociaux de la Branche ont pris le soin de rénover les grilles de classifications[4]. Un lien direct a été établi entre l’obtention du DEAVS par la voie de la VAE et une reconnaissance significative en termes de rémunération. L’accord prévoit également une relation automatique entre l’emploi tenu et la nouvelle certification professionnelle : « L’obtention d’un diplôme ne confère pas automatiquement le classement dans l’emploi correspondant à ce diplôme, sauf pour les emplois d’employés à domicile et les auxiliaires de vie sociale. L’accès à cet emploi pourra se faire en cas de vacance de poste et après demande du salarié et acceptation du responsable du recrutement »[5]. Il faut souligner que ce type de dispositions sont peu fréquentes dans les accords de branche. Autrement dit les incidences possibles de la VAE se négocient, actuellement le plus souvent dans l’entreprise.

Les conditions

Pour configurer un processus collectif de VAE

Une réflexion prospective sur les compétences

Il convient de réfléchir au projet en termes de compétences collectives. En effet, la compétence collective est devenue un concept clé pour repenser le travail[6]. D’autant plus que l’engagement dans un projet de VAE bouleverse le processus habituel qui consiste à s’appuyer sur le travail prescrit par l’entreprise. Ici, le point de départ du processus consiste dans l’analyse du travail effectivement réalisé par les salariés. Cette démarche nourrit la réflexion de la DRH sur l’organisation elle-même du travail et sur les possibilités de construction de parcours de progression des salariés. Les entreprises qui n’ont pas enclenché un processus de GPEC[7], pourront également s’appuyer – si elles relèvent d’une branche professionnelle – sur les travaux et études menés, par exemple par les Observatoires prospectifs de Branche, sur l’évolution de leur métier que celle-ci soit qualitative ou quantitative. De même, les enseignements tirés des expériences des autres branches ou entreprises permettent d’alimenter l’ingénierie et la conduite du projet de VAE. Une capitalisation de ces expériences est réalisée par différentes institutions ( ministère du travail, site dédié à la VAE, …).

L’engagement des acteurs

La faisabilité d’une démarche collective de VAE dépend avant tout de la manière dont l’appropriation de chacun s’est accomplie. Cette appropriation dépend en partie des attentes des acteurs concernés. Il convient donc de s’assurer au préalable de l’engagement fort de l’ensemble des acteurs :

  • Une volonté de la direction ;
  • L’appui des syndicats, particulièrement si le projet vise des objectifs de mobilités et de transitions professionnelles ;
  • L’engagement de l’encadrement sans lequel il est difficile de travailler ;
  • La recherche de la coïncidence entre l’intérêt de l’entreprise et les intérêts collectifs et individuels de chacun des salariés.

Cependant, le montage d’un projet n’est pas forcément aisé et un soutien approprié peut être envisagé pour accompagner le chef d’entreprise ou la DRH qui ne sont pas encore tous familiarisés avec la VAE. Quelle que soit la taille de l’entreprise, un projet collectif de VAE nécessite un investissement en temps et en énergie. La charge de travail que ce projet implique et le besoin d’un référent emporte la nécessité de le confier à un chargé de mission en interne. L’entreprise peut également décider de s’assurer le conseil et l’accompagnement méthodologique de professionnels en ingénierie de VAE, capables de monter un dispositif sur mesure au regard des besoins particuliers du secteur professionnel.

La constitution d’un réseau

S’inscrire dans un réseau est aussi, à bien des égards, fort utile. Particulièrement, lorsque le projet concerne plusieurs catégories de métiers et des certifications différentes ( par exemple : diplômes de l’Education nationale, titres du ministère du travail …). Discerner la certification professionnelle la plus adéquate, se rapprochant des savoir-faire acquis en situation de travail, n’est pas toujours aisé. D’autant plus que chaque certificateur envisage des modalités d’évaluations différentes (mise en situation de travail reconstituée, constitution de dossier, présentation devant un jury). Et ces modalités ne sont pas sans incidence sur l’engagement des salariés candidats. Ils seront plus enclins à s’investir dans un projet VAE si justement le mode d’évaluation de leurs compétences, correspond au mode d’expression pour lequel ils ont le plus de dextérité ( orale, écrit, …).

D’ailleurs, les grandes entreprises et les branches professionnelles qui se sont lancées dans un dispositif de VAE, l’ont bien compris et dans certains cas, les liens tissés avec les acteurs clés sont formalisés dans des conventions de partenariats.

Les organismes certificateurs, la cellule régionale inter-services[8] (CRIS), la DDTEFP, les branches et fédérations professionnelles, l’OPCA[9], …

La VAE, étape de la Formation tout au long de la vie professionnelle

L’investissement dans une démarche collective de VAE doit être articulé avec le large éventail des dispositifs existants (droit individuel à la formation (DIF), contrats et périodes de professionnalisation, plan de formation, congé individuel de formation (CIF) … La formation tout au long de la vie professionnelle prend, en effet, tout son sens lorsqu’elle est envisagée comme une étape d’un parcours plus global de progression professionnelle des salariés. En effet, la VAE peut permettre d’acquérir le diplôme ou titre visé dans sa totalité. Cependant, les salariés ne seront pas tous au même niveau et certains d’entre eux peuvent obtenir qu’une partie de la certification professionnelle. Des formations complémentaires (ou de nouvelles expériences) seront alors nécessaires pour son obtention, qui devront faire l’objet d’un suivi et d’un accompagnement attentif par le référent du projet. Le soutien des salariés sera particulièrement nécessaire à cette étape pour qu’ils gardent toute leur motivation et éviter leur décrochage.

Saima Kadri
Saïma Kadri
Directrice Associée d’EssKa Consultants

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[1] Allocation personnalisée d’autonomie entrée en vigueur le 1er janvier 2002 et se substituant à la prestation de spécifique dépendance

[2] Sources Dares

[3] DE AVS ( diplôme d’Etat auxiliaire de vie sociale)

[4] Accord de la branche de l’Aide à domicile relatif aux emplois et aux rémunérations du 29 mars 2002, modifié

[5] Article 19-1, alinéa 2 de l’accord précité

[6] Paul Santelmann, « De l’efficacité en formation continue » , Editions Liaisons, 2004

[7] Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

[8] Organisme qui a en charge d’animer les points relais-conseil, qui eux, ont pour mission d’accueillir et de conseiller sur la VAE

[9] Organisme paritaire collecteur agrée