Cadre français et cadre européen des certifications

Adopté par le Parlement Européen et le Conseil le 23 avril 2008, le CEC encourage les pays membres à établir une correspondance entre leurs systèmes de certifications nationaux. Le processus de Bologne – engagement à construire un espace européen de l’enseignement et notamment la mise en place du LMD –  rend difficile le maintien d’une nomenclature de 5 niveaux et postule pour cette transposition. Ce qui sera de nature non seulement à faciliter la mobilité des étudiants, mais également la mobilité professionnelle, en fournissant un indicateur de qualification au niveau européen. Pour autant, la démarche est très complexe. Elle se réalise dans le respect de la compétence de chacun des Ministères certificateurs quant au choix du niveau attribué à leurs certifications. Le choix de 8 niveaux est pour l’instant exploratoire et une nomenclature définitive devrait être finalisée à horizon 2013. George Asseraf et Renaud Eppstein nous expliquent dans leur article, les négociations et les difficultés de cette transposition :

Georges Asseraf et Renaud Eppstein

Lorsque la consultation relative au Cadre Européen des Certifications (CEC) a été lancée en 2005, tous les partenaires français impliqués ont considéré que le Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) constituait la base du cadre national français des certifications concernées par le CEC. Dans cet article nous présentons de manière succincte le cadre national et le cadre européen des certifications. Nous ferons ensuite état des réflexions actuellement en cours au sein du groupe technique en charge de formuler des propositions visant à transposer les niveaux du cadre français vers le cadre européen.

I. Le cadre Français

Il existe de nombreux systèmes de certification en France si l’on considère qu’une certification renvoie à l’acte qui consiste à évaluer les acquis d’un individu par rapport à une référence définissant :

  • La nature des acquis à évaluer ;
  • Les critères relatifs à l’évaluation de ces acquis ;
  • Les modalités des évaluations réalisées ;
  • Les acteurs qui en ont la compétence.

La légitimité permettant l’acte de certifier est très largement partagée par de nombreuses autorités comme l’Etat, les partenaires sociaux, des institutions en charge de dispositifs d’assurance- qualité, etc. Toutefois la reconnaissance de la valeur de la certification délivrée varie suivant les droits qui lui sont associés et le contexte de leur application. En France, cette valeur a généralement été fixée au plus haut niveau de l’Etat. Actuellement cette valeur suppose une démarche tripartite (Etat – partenaires sociaux : employeurs, salariés) où ne sont reconnues que les certifications en lien avec le concept de « qualification ».
Les certifications sont considérées comme des « indicateurs de qualification » lorsqu’elles attestent qu’un individu maîtrise un ensemble de connaissances, de savoir-faire, et d’attitudes certifiant sa capacité à les combiner sous la forme de compétences pour réaliser des activités dans un large contexte professionnel avec un niveau de responsabilité et d’autonomie préalablement définies.

I.1. Un cadre national des certifications

En 2002, la Loi du 17 Janvier a crée un Répertoire National des Certifications Professionnelles ayant pour objet de recenser l’ensemble des certifications à valeur nationale délivrées en France en lien avec la définition énoncée supra.
Par ailleurs, l’enregistrement d’une certification professionnelle implique une exigence complémentaire : être accessible par voie de validation des acquis de l’expérience, que ceux-ci soient formels, non formels ou informels (Validation des Acquis d’Expérience – VAE).

Dans le RNCP, Trois types de certifications peuvent être enregistrés :

  • Les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’Etat, qui sont enregistrés de droit car créés, rénovés ou habilités après consultation d’une instance paritaire tripartie (CPC, CNESER) ;
  • Les certificats de qualification professionnelle (CQP), délivrés par les branches, enregistrés sur demande ;
  • Les titres et diplômes à finalité professionnelle relevant d’organismes consulaires, privés ou publics mais délivrés en leur nom propre qui relèvent également d’une procédure d’enregistrement sur demande.

L’ensemble des certifications ayant vocation à être dans le RNCP représente un potentiel d’environ 13000 certifications (1) (dont 10 000 délivrées par les universités ou les grandes écoles) soit 85% de celui-ci. Les autres types de certifications peuvent être enregistrés après avis de la CNCP, (Commission Nationale de la Certification Professionnelle) où siègent notamment 10 représentants de l’Etat, 10 représentants des partenaires sociaux, 3 représentants des régions, selon une procédure spécifique et décision du ministre en charge de la formation professionnelle.

I.2. Niveaux de certification

Le décret relatif au RNCP précise que les certifications doivent notamment être classées par niveau en se référant à une grille commune établie en 1969. Cette grille intégrant 5 niveaux avait pour objectif d’établir un lien entre formation et marché du travail.
Tous les ministères et la CNCP utilisent cette grille pour classer les certifications en relation avec le niveau d’autonomie et de responsabilité dans une organisation de travail, à l’exception du ministère de l’enseignement supérieur qui privilégie une classification en fonction de la durée des cycles d’études (conformément à une grille établie en 1967).

Niveau Définition
I + II Personnel occupant des emplois exigeant normalement une formation d’un niveau égal ou supérieur à celui de la licence ou des écoles d’ingénieurs
III Personnel occupant des emplois exigeant normalement des formations du niveau du Brevet de technicien supérieur (BTS), du Diplôme des Instituts Universitaires de Technologie (DUT) ou de fin de premier cycle de l’enseignement supérieur
IV Personnel occupant des emplois de maîtrise ou possédant une qualification d’un niveau équivalent à celui du Baccalauréat technique ou de technicien et du brevet de technicien)
V Personnel occupant des emplois exigeant normalement un niveau de formation équivalent à celui du brevet d’études professionnelles (BEP) (deux ans de scolarité au-delà du premier cycle de l’enseignement du second degré et du certificat d’aptitude professionnelle (CAP)
V bis Personnel occupant des emplois supposant une formation courte d’une durée maximum d’un an, conduisant notamment au certificat d’éducation professionnelle ou à toute autre attestation de même nature
VI Personnel occupant des emplois n’exigeant pas une formation allant au-delà de la fin de la scolarité obligatoire

Classification des niveaux de qualification établie à partir des niveaux de formation – Approuvée par décision du Groupe Permanent de la Formation Professionnelle et de la Promotion Sociale le 21 mars 1969

II. Le cadre Européen

La CNCP a été désignée comme la principale institution coordinatrice des travaux liés à la transparence des qualifications par la Loi de 2002 et par un décret du 26 avril 2002 désormais intégré dans le code de l’Education et le code du Travail. Elle se trouve donc naturellement concernée par les travaux liés au Cadre Européen des Certifications.

Le Cadre Européen des Certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC, en anglais EQF – European Qualifications Framework for lifelong learning) est un outil de transparence des certifications, visant à favoriser la mobilité au sein de l’Union européenne.
Au niveau européen, la notion de certification est définie comme le résultat formel d’un processus d’évaluation et de validation obtenu lorsqu’une autorité compétente établit qu’un individu possède au terme d’un apprentissage formel, non-formel et informel les acquis correspondant à une norme donnée.

Le CEC propose un cadre de référence, ou « méta-cadre » permettant d’établir une correspondance entre les niveaux des cadres nationaux (lorsqu’ils existent). Le cadre est un des éléments d’une politique globale d’éducation et de formation tout au long de la vie proposée par l’Europe qui se met en place sur le principe du volontariat des Etats Membres.

II.1. Eléments du cadre

Le cadre propose une échelle à huit niveaux. Chaque niveau est défini à l’aide de descripteurs génériques, exprimés en termes d’acquis d’apprentissage, se répartissant en :

  • Savoirs[2] : le résultat de l’assimilation d’informations grâce à l’éducation et à la formation. Le savoir est un ensemble de faits, de principes, de théories et de pratiques liés à un domaine de travail ou d’étude. Le cadre européen des certifications fait référence à des savoirs théoriques ou factuels ;
  • Aptitudes[1] : la capacité d’appliquer un savoir et d’utiliser un savoir-faire pour réaliser des tâches et résoudre des problèmes. Le cadre européen des certifications fait référence à des aptitudes cognitives (utilisation de la pensée logique, intuitive et créative) ou pratiques (fondées sur la dextérité ainsi que sur l’utilisation de méthodes, de matériels, d’outils et d’instruments) ;
  • Compétences[1] : la capacité avérée d’utiliser des savoirs, des aptitudes et des dispositions personnelles, sociales ou méthodologiques dans des situations de travail ou d’études et pour le développement professionnel ou personnel. Le cadre européen des certifications fait référence aux compétences en termes de prise de responsabilités et d’autonomie.

Le tableau des descripteurs doit, en principe, se lire aussi bien verticalement, pour mettre en évidence la progressivité dans les niveaux, qu’horizontalement pour permettre une lisibilité par combinatoire des trois descripteurs.

Le CEC se base sur la notion d’acquis d’apprentissage comme élément essentiel visant à favoriser la transparence. En effet, le cadre permet la mise en relation de systèmes de certifications différents tant par leur modalités de construction, que par la diversité des autorités compétentes pour certifier. Si le choix de lisibilité est fait pour décrire un lien avec le marché du travail, on devrait observer alors une prédominance des indicateurs « aptitudes » et « compétences » pour définir un référencement. Cependant, un fort attachement au positionnement des niveaux en fonction de l’organisation des formations reste prégnant chez beaucoup de certificateurs ; ce qui induit alors une prépondérance du premier indicateur « savoir ».
De plus, la diversité des critères de positionnement selon les certificateurs rend une transposition certification par certification, particulièrement difficile dans de nombreux cas.

C’est la raison pour laquelle , il a été décidé de privilégier une transposition de nos certifications dans le CEC, bloc de niveau par bloc de niveau.

II.2. La démarche française vers le CEC

Le Conseil National de l’Information Statistique (CNIS), saisi par la CNCP sur la question de l’élaboration d’une nouvelle nomenclature des certifications, a recommandé que dans un premier temps[3] des experts (en particulier de l’Insee, de la Dares, de la Depp, du Cereq et du Conseil d’Analyse Stratégique) examinent avec la CNCP la possibilité de concevoir la construction d’une table de passage du cadre des certifications françaises vers ce cadre européen des certifications dans le respect de la recommandation du Parlement et du Conseil Européen.

Pour alimenter cette réflexion, la CNCP a mis en place un groupe de travail qui a invité les différents ministères certificateurs à préciser le positionnement des niveaux des certifications dont ils sont responsables au regard du CEC.
Les premières réponses indiquent une convergence de vue dans le positionnement des certifications de niveau V à III. La situation des certifications relevant d’études post-secondaires est encore plus claire puisque le positionnement pour les niveaux I et II s’appuie, pour les certifications universitaires, sur les « descripteurs de Dublin », relevant du processus de Bologne et sur les trois « descripteurs du CEC ». La transposition des niveaux I et II semble donc structurée par ce positionnement pour l’ensemble des certifications.

Reste enfin à définir le positionnement des certifications enregistrées sur demande au Répertoire. C’est l’avis de la CNCP sur les niveaux qui établira la référence à mettre en lien avec les niveaux du CEC selon la même grille que celle utilisée pour les certifications enregistrées de droit.

Un tel choix aura donc pour résultat une transposition systématisée se présentant ainsi :

IMAGE MANQUANTE

Cette présentation d’une articulation automatique et systématique s’appuyant sur les positions des principaux ministères certificateurs n’est pas sans poser de difficultés pour des sous systèmes bien spécifiques pour lesquels des équivalences sont établies avec d’autres certifications en Europe qui ne renverraient pas au même niveau sur le CEC.
Ces cas d’espèces, pour lesquels des solutions immédiates ne pourront être proposées (une révision du positionnement dans le cadre français étant toujours possible), viendront alimenter la réflexion du groupe de travail relative à la définition d’une nouvelle nomenclature française des niveaux de certification.
Quant aux « certifications » ne figurant pas dans le RNCP, elles ne pourront se positionner sur le cadre Européen de manière officielle.

Ces travaux, actuellement menés dans le cadre du groupe de travail mandaté par le CNIS, ont également été alimentés par deux groupes de travail spécifiques, mis en place par la CNCP et l’AFDET autour d’un projet Leonardo visant à tester l’opérationnalité de la mise en œuvre du CEC. Signalons également que les résultats de la réflexion relatifs à l’articulation de la nomenclature de 1969 avec le CEC devraient être pris en compte dans un questionnement à finaliser d’ici mi 2009 dans la perspective de la nouvelle « Enquête Emploi » qui sera mise en œuvre en 2011.

Conclusion

Le cadre européen des certifications, qui constitue un moyen et non une finalité, est un outil visant à améliorer la lisibilité des cadres nationaux de manière à faciliter la mobilité européenne.
Il vise à positionner les certifications non seulement en terme de savoirs mais également d’aptitudes et de compétences ce qui est de nature non seulement à faciliter la mobilité d’étudiants dans le cadre de parcours de formation mais également la mobilité professionnelle en fournissant un indicateur de qualification au niveau européen.
Le CEC constitue un outil de repérage et de positionnement des certifications en fonction des acquis d’apprentissage en complément d’autres outils tels que les ECTS, les ECVET ou les documents Europass.

Toutefois, la difficulté à maîtriser la logique des résultats d’apprentissage par un très grand nombre de certificateurs, d’une part, et la complexité et la diversité des cadres nationaux qui se référeront au CEC, d’autre part, ne sont pas en l’état de nature à créer une automaticité de reconnaissances mutuelles autre que dans le cadre de conventions entre certificateurs.

George Asseraf
George Asseraf
Président de la CNCP
Renaud EPPSTEIN
Rapporteur Général Adjoint de la CNCP

N.B : Cet article s’appuie sur un document de travail produit dans le cadre du projet Leonardo « EQF Network Testing », piloté par la CNCP et l’AFDET.

[1] Fin 2008, environ 5500 certifications sont enregistrées dans le RNCP
[2] Définitions données dans l’annexe 1 de la recommandation du parlement européen et du conseil établissant le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie
[3] Avant l’élaboration d’une nouvelle nomenclature des niveaux de certification conformément à la mission confiée à la CNCP (Article R335-31 du code de l’éducation)